
L'interview IA
Comment les acteurs du tourisme réinventent leurs pratiques avec l’intelligence artificielle, entre innovation, accompagnement et responsabilité territoriale
Une mutation profonde du secteur touristique
Le secteur du tourisme connaît depuis deux ans une accélération sans précédent de son rapport au numérique.
Les professionnels – qu’ils soient agents de voyages, hébergeurs, offices de tourisme ou acteurs institutionnels – découvrent à la fois les opportunités et les limites de l’intelligence artificielle.
Cette transition touche les métiers, les outils et la manière même de concevoir la relation au visiteur.
Lors de la table ronde organisée par Evalir, plusieurs experts ont partagé leurs expériences : Nicolas François, directeur de l’agence Apidae Tourisme, Jean-Philippe Duchesneau, consultant et formateur, et Benoît Duagne, spécialiste de l’accompagnement des entreprises touristiques.
Leur échange met en lumière une conviction partagée : l’IA ne remplace pas les métiers du tourisme, elle reconfigure leurs usages et revalorise la donnée comme ressource stratégique.
L’intelligence artificielle au service de la connaissance territoriale
Pour Nicolas François, le véritable enjeu n’est pas la technologie elle-même, mais la maîtrise du sens des données.
Le réseau Apidae Tourisme, qui fédère aujourd’hui plus de 4 000 structures (offices, collectivités, prestataires), repose sur la mise en commun d’informations territoriales : hébergements, activités, événements, points d’intérêt.
Cette base devient aujourd’hui le socle de l’intelligence artificielle touristique.
L’IA, en traitant ces données, permet :
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d’améliorer la qualité des contenus diffusés sur les sites et applications locales ;
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d’anticiper les tendances saisonnières ;
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de personnaliser la recommandation touristique selon les profils.
Mais, comme le rappelle François, la puissance d’un modèle dépend de la pertinence de la donnée :
“Nous avons besoin d’une IA entraînée sur nos propres ressources territoriales, pas sur un web global décontextualisé.”
C’est le sens du travail engagé par Apidae : créer un écosystème local d’intelligence augmentée, au service des acteurs plutôt qu’à leur place.
Des outils qui changent la pratique quotidienne
Les outils d’IA générative comme ChatGPT, Claude, Canva, Runway ou Sora font désormais partie du paysage professionnel.
Jean-Philippe Duchesneau souligne que leur adoption s’est faite “par la curiosité” avant même la formation.
Beaucoup de professionnels les utilisent sans toujours mesurer leur potentiel.
Pour un office de tourisme, ces outils peuvent :
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générer rapidement des textes de présentation d’activités,
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traduire des fiches produits en plusieurs langues,
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concevoir des visuels cohérents avec la charte graphique,
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préparer des vidéos d’ambiance pour les réseaux sociaux.
Mais Duchesneau rappelle que “l’IA n’écrit pas à notre place, elle nous oblige à mieux formuler notre pensée”.
L’enjeu est donc la formulation : apprendre à “parler à la machine” avec précision, clarté et sens critique.
Une nouvelle compétence : savoir dialoguer avec l’IA
Le tourisme devient un secteur où l’on valorise autant la créativité humaine que la capacité à interagir intelligemment avec des algorithmes.
Les métiers se transforment :
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le chargé de communication devient “rédacteur augmenté”,
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le responsable d’office devient “curateur de données”,
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le guide local devient “médiateur numérique”.
Pour Benoît Duagne, cette mutation demande un accompagnement humain fort :
“Beaucoup d’acteurs n’ont pas besoin d’un logiciel, ils ont besoin de comprendre pourquoi cet outil change leur manière de travailler.”
Il plaide pour une pédagogie de la transition, fondée sur la co-construction et l’expérimentation.
Les formations d’Evalir, en ce sens, proposent des exercices progressifs, où chaque participant apprend à formuler un prompt, à évaluer une réponse IA, et à adapter l’usage à son métier.
La donnée, ressource clé du tourisme durable
L’IA ne se limite pas à la communication.
Elle devient un outil de pilotage stratégique.
Dans un contexte où le tourisme cherche à concilier attractivité et sobriété, la donnée territoriale devient un levier pour équilibrer flux, ressources et impacts environnementaux.
Les modèles prédictifs permettent par exemple :
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d’anticiper les pics de fréquentation et de réorienter les visiteurs,
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d’ajuster la gestion des parkings et transports,
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d’adapter la promotion aux zones moins connues,
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d’analyser la satisfaction à partir des retours en ligne.
Apidae, en partenariat avec les collectivités, explore ces usages sous une forme ouverte et mutualisée, à l’opposé des modèles fermés des grandes plateformes internationales.
ChatGPT et les outils génératifs : un tournant créatif
La rencontre souligne aussi l’évolution du rapport aux contenus visuels et narratifs.
Grâce à Midjourney, Canva ou Sora, il devient possible de créer :
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des affiches immersives à partir d’une simple description,
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des vidéos promotionnelles adaptées aux saisons,
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des visuels multilingues sans passer par une agence externe.
Mais cette automatisation pose la question du style et de la singularité locale.
L’IA tend à homogénéiser les images et les discours.
C’est pourquoi, selon Duchesneau, “l’enjeu n’est pas d’utiliser l’IA, mais de rester identifiable malgré elle”.
EVALIR accompagne justement cette réflexion en aidant les acteurs à réintroduire de l’humain et du sens dans la production de contenus automatisés.
Le tourisme, plus que tout autre secteur, repose sur l’émotion, la mémoire et la présence.
Vers une éthique de l’intelligence territoriale
L’usage de l’IA interroge aussi la propriété intellectuelle, la véracité des informations et la gouvernance des données locales.
Les intervenants insistent sur l’importance de rester maîtres de ses flux :
qui collecte, qui stocke, qui réutilise ?
François évoque la nécessité d’un cadre de confiance, notamment dans les coopérations public-privé :
“Nous devons garantir que les données des territoires servent le développement local, pas des logiques d’extraction.”
Cette vigilance rejoint les recommandations européennes du AI Act, qui impose une transparence accrue sur les systèmes génératifs et leurs sources d’entraînement.
Evalir intègre cette dimension dans ses modules de formation : comprendre les enjeux éthiques, juridiques et sociaux de la donnée.
L’humain au centre du numérique
Tous les intervenants convergent vers une idée essentielle :
le numérique, et plus encore l’intelligence artificielle, n’a de sens que s’il renforce la relation humaine.
Le tourisme reste un secteur de présence, d’émotions partagées et de mémoire collective.
Pour Benoît Duagne, “l’IA doit nous rendre plus humains dans nos métiers”.
Cela passe par :
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la réinvention des interactions avec les visiteurs,
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la mise en valeur des récits locaux,
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la coopération entre institutions, habitants et entreprises.
L’intelligence artificielle devient alors un outil de reliance plutôt qu’un facteur de distance.
Evalir, catalyseur de dynamiques territoriales
Au-delà de la technologie, Evalir se positionne comme acteur d’acculturation collective.
Sa mission : relier les professionnels, les élus et les citoyens autour d’une compréhension commune de l’IA.
Chaque conférence, atelier ou webinaire s’ancre dans un territoire concret : un office, une collectivité, une entreprise.
Ce modèle s’appuie sur trois principes :
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Proximité : aller vers les acteurs, dans leurs contextes réels.
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Pédagogie : faire comprendre avant d’outiller.
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Expérience : apprendre en faisant, dans des situations concrètes.
Evalir ne vend pas de logiciel ; elle fait émerger une culture de l’intelligence humaine au sein de l’écosystème touristique.
Un futur de sens partagé
L’intelligence artificielle n’est pas un horizon lointain : elle agit déjà sur le terrain.
Mais la réussite de cette transition dépendra de la capacité des acteurs à coopérer.
C’est là que se situe la véritable innovation : non dans l’outil, mais dans la façon de construire du sens collectif autour de lui.
Le tourisme, par sa diversité et sa dimension humaine, devient un laboratoire de l’intelligence territoriale.
Et la Dordogne, comme d’autres départements, pourrait bien être à l’avant-garde de cette mutation, grâce à l’accompagnement patient et structurant d’Evalir.
Sources
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Entretien avec Nicolas François, Jean-Philippe Duchesneau et Benoît Duagne, vidéo IA et Tourisme (2024).
-
Règlement européen AI Act, 2024.
-
Commission européenne, Digital Economy and Society Index, 2024.
Téléphone
07 70 38 84 34
Addresse
25 bis rue de Cahors, 24200 Sarlat, France
Entre données et émotions, comment l’intelligence artificielle redessine le parcours visiteur et ouvre une nouvelle ère pour le tourisme québécois
Un secteur en mutation profonde
Le Groupe de travail IA et tourisme, fondé en mars 2024, réunit chercheurs, gestionnaires et acteurs du secteur touristique québécois autour d’un objectif clair : faire du Québec un leader en innovation touristique fondée sur l’intelligence artificielle.
Cette démarche ne vise pas à remplacer l’humain, mais à mieux comprendre, anticiper et accompagner les besoins des visiteurs à chaque étape du parcours — avant, pendant et après la visite.
Dans un monde où les voyageurs sont informés, exigeants et pressés, l’enjeu n’est plus de séduire ponctuellement, mais de créer une expérience continue, fluide et cohérente, à travers les multiples points de contact numériques et physiques.
Le parcours visiteur : une histoire d’émotions et de données
Le parcours visiteur n’est plus une simple succession d’étapes logistiques. Il devient un récit vivant, influencé par la réputation d’une destination, la qualité de l’accueil, les émotions ressenties et la fluidité numérique.
Les visiteurs comparent, planifient, expérimentent, partagent. À chaque instant, leurs choix sont façonnés par un équilibre délicat entre autonomie et guidage, authenticité et confort, individualité et inclusion.
L’intelligence artificielle s’insère dans ce tissu complexe comme un outil de médiation : elle aide à comprendre les comportements, à fluidifier les interactions et à personnaliser l’expérience sans altérer l’humain.
L’intelligence artificielle comme levier de compétitivité
L’IA devient un levier stratégique pour les entreprises touristiques. En s’appuyant sur les données, elle permet d’automatiser certaines tâches, de dégager du temps pour l’humain et d’ouvrir de nouvelles perspectives d’innovation.
Mais comme le rappelle le guide, l’enjeu n’est pas technologique avant tout : il est stratégique et éthique.
L’IA bien intégrée repose sur une gouvernance claire, une formation continue et une évaluation des usages.
Elle ne s’improvise pas : elle se planifie, se teste, se mesure.
Avant la visite : comprendre, anticiper et personnaliser
Dès la phase de préparation, l’IA aide à comprendre les attentes des visiteurs.
En analysant les recherches, les avis et les interactions sur les réseaux sociaux, elle révèle des tendances et segmente les publics selon leurs intérêts.
Les chatbots et assistants virtuels rendent les informations accessibles instantanément et dans plusieurs langues, tandis que les moteurs de recommandation adaptent les propositions à chaque profil.
Des outils comme Mindtrip ou Ask Mona montrent comment l’IA peut planifier intelligemment un séjour à partir d’images, de vidéos ou de préférences exprimées.
De la traduction automatique à la planification prédictive, les solutions se multiplient pour offrir aux visiteurs une préparation fluide, inclusive et engageante.
L’arrivée : fluidité, accueil et accessibilité
L’accueil reste un moment déterminant.
Un visiteur mal orienté ou confronté à une file d’attente interminable perd rapidement confiance.
L’IA permet ici une gestion prédictive des flux, en anticipant les périodes d’affluence grâce à l’analyse des données météorologiques et comportementales.
Des outils tels que Density.io ou Flux Vision d’Orange permettent d’ajuster les horaires et les ressources.
Les bornes interactives multilingues, inspirées du modèle aéroportuaire, simplifient l’enregistrement tout en offrant des recommandations personnalisées.
L’Hôtel Monville à Montréal, par exemple, a intégré l’assistant virtuel Velma (développé par Quicktext), capable de répondre automatiquement à des milliers de questions en plusieurs langues, avant, pendant et après le séjour.
Les résultats sont mesurables :
− 45 % d’appels à la réception,
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30 % de rapidité à l’enregistrement,
et une amélioration notable de la satisfaction client.
Pendant la visite : immersion et interprétation augmentée
Sur site, l’IA enrichit l’expérience sans jamais la dénaturer.
Elle permet d’adapter le contenu au profil du visiteur :
un conte pour enfant, une analyse détaillée pour un amateur d’art, ou une reconstitution historique en réalité augmentée.
Le Moulin à laine d’Ulverton, en collaboration avec OHRIZON, propose une expérience muséale interactive qui associe mémoire industrielle et narration immersive.
L’IA permet aux visiteurs de dialoguer avec des personnages virtuels, d’accéder à des archives animées et de revivre des scènes du XIXᵉ siècle.
Les parcours personnalisés deviennent ainsi intelligents et évolutifs, ajustés en temps réel selon le temps disponible, les préférences et les émotions du public.
Après la visite : entre fidélisation et amélioration continue
L’expérience ne s’arrête plus à la sortie.
Grâce à l’IA, la relation devient continue et personnalisée :
les visiteurs reçoivent des messages de suivi, des suggestions d’activités complémentaires ou des vidéos souvenirs.
Les campagnes marketing se transforment en dialogues interactifs, renforçant le lien émotionnel et la fidélisation.
Les outils d’analyse des avis en ligne exploitent les données non structurées pour détecter des signaux faibles : retards, problèmes d’accessibilité, irritants récurrents.
L’IA générative propose même des réponses contextuelles adaptées à chaque situation, favorisant la transparence et la réactivité.
L’enjeu n’est pas de collecter toujours plus de données, mais de les transformer en intelligence collective, utile à l’amélioration des services et à la formation des équipes.
Données et éthique : le socle de la confiance
Toute stratégie IA dans le tourisme repose sur une culture de la donnée responsable.
Les sources sont multiples : historiques de réservation, interactions en ligne, capteurs sur les sites.
Mais leur exploitation doit rester conforme aux lois et à l’éthique.
Au Québec, la Loi 25 impose une gestion transparente et une protection renforcée des informations personnelles.
La confiance devient un actif stratégique, essentiel pour fidéliser les visiteurs et garantir une adoption durable des technologies.
Les experts du Groupe de travail IA et tourisme insistent sur la nécessité d’un cadre clair :
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informer les visiteurs sur la collecte et l’usage de leurs données ;
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former les équipes à la cybersécurité et à l’éthique numérique ;
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évaluer en continu les impacts sociaux et environnementaux.
Vers un tourisme intelligent et humain
L’intelligence artificielle n’est pas un objectif, mais un moyen d’humaniser la technologie.
En automatisant les tâches répétitives, elle libère du temps pour ce qui compte le plus : le contact humain.
Elle permet aussi de repenser la formation, d’améliorer l’inclusion et de réduire les inégalités d’accès.
Dans un monde où les visiteurs exigent des expériences plus fluides, cohérentes et respectueuses, le tourisme entre dans une nouvelle ère : celle d’un humanisme augmenté, où les données ne remplacent pas l’émotion, mais la soutiennent.
L’avenir du parcours visiteur, selon le Groupe de travail IA et tourisme, ne se résume pas à une succession d’outils connectés.
C’est une alliance entre intelligence technologique et intelligence humaine, entre mémoire des territoires et innovation partagée.
Sources
-
Groupe de travail IA et tourisme, Guide du parcours visiteur à l’ère de l’intelligence artificielle, Québec, 2024.
-
Ministère du Tourisme du Québec, Stratégie de transformation numérique 2024-2028.
-
Quicktext (Velma) – https://www.quicktext.im
-
OHRIZON – https://www.ohrizon.com
-
Flux Vision d’Orange – https://www.orange-business.com
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